Un fait rare mérite d’être souligné : le Conseil de la nation a rejeté, avant-hier samedi, trois amendements introduits par les députés au Projet de Loi de Finances (PLF) 2025, présenté par le Gouvernement. Contrairement à ce que l’on pourrait interpréter comme les prémices d’une crise entre les deux chambres parlementaires, ce rejet illustre un exercice sain de leurs prérogatives constitutionnelles respectives. En effet, la Constitution algérienne confère aux députés le droit d’amender les textes proposés par le Gouvernement, tandis que les sénateurs, bien que dépourvus de ce droit, peuvent s’opposer aux amendements adoptés par l’Assemblée Populaire Nationale (APN). Un cas de figure qui n’est pas sans précédent : lors de la première législature du Conseil de la nation, sous la présidence du défunt Bachir Boumaza, des articles d’un projet de loi sur la publicité et les sondages avaient été retoqués de manière similaire. Pour surmonter ce type de désaccords, la Constitution prévoit deux mécanismes : la mise en place d’une commission paritaire entre les deux chambres, communément appelée « navette », en raison des allers-retours nécessaires pour parvenir à un consensus, ou la saisine de la Cour constitutionnelle. Cependant, la procédure de navette est longue et difficilement compatible avec l’urgence imposée par l’agenda politique. Le président de la République attend en effet la finalisation du PLF 2025 pour procéder à la désignation d’un nouveau Gouvernement. Face à cette contrainte temporelle, le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, a contourné la procédure classique, en sollicitant directement la Cour constitutionnelle, afin qu’elle statue sur la constitutionnalité des amendements adoptés par les députés. Parallèlement, le Premier ministre a également saisi la Cour constitutionnelle, pour examiner la conformité des articles en question, à savoir les articles 2, 29, 33 et 55, à l’esprit et à la lettre de la Constitution. En vertu de l’article 147, celle-ci déclare irrecevable toute proposition de loi ou amendement parlementaire ayant pour effet de réduire les ressources publiques ou d’augmenter les dépenses, sauf si des mesures compensatoires sont proposées pour équilibrer les finances publiques. La Cour constitutionnelle dispose normalement d’un délai d’un mois pour délibérer à huis clos. Cependant, en cas d’urgence et à la demande du président de la République, ce délai peut être ramené à dix jours. Il est probable que les membres de la Cour optent pour cette procédure accélérée, afin de clore rapidement la discorde entre députés et sénateurs. Une fois l’arbitrage rendu, le PLF sera transmis au président de la République pour promulgation, mettant ainsi un terme à la séquence parlementaire et ouvrant la voie à la formation d’un nouvel exécutif. Ce dernier alimente d’ailleurs depuis plusieurs jours toutes sortes de spéculations, chacun avançant son propre casting sur les éventuels changements à venir.
H. Khellifi
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