Déclenché le 16 octobre 2024, le mouvement de grève des étudiants en sciences médicales se poursuit malgré les mesures prises par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Les étudiants estiment que de nombreuses revendications demeurent sans réponse. Afin de connaître les véritables raisons de la poursuite du débrayage, l’Est Républicain est allé à la rencontre des étudiants. Matures et conscients, les futurs médecins insistent sur les questions de fond, à savoir la qualité de la formation et les débouchés. « Il ne faut pas se voiler la face, la formation et l’encadrement sont loin des normes à Sétif où les terrains des stages sont pratiquement inexistants. Le CHU (Centre Hospitalier Universitaire), dépourvu de plusieurs services et pas des moindres, n’est plus fonctionnel. Le manque de structures pour accueillir le nombre de plus en plus croissant des nouveaux inscrits en sciences médicales est éludé. Nous avons parlé du nouvel hôpital de 240 lits d’El Eulma inachevé pour on ne sait quel problème. La mise en service de cet établissement pourrait régler mille et un problèmes. Peut-on dispenser des cours et une formation appliquée de qualité à une promotion de plus de 1.940 étudiants de première année ? On ne peut freiner la régression de la formation médicale avec de tels contingents d’étudiants », soulignent en préambule nos interlocuteurs, ayant apparemment gros sur le cœur. Et d’enchaîner : « La réforme des sciences médicales passe à notre sens par la mise en place d’une carte universitaire en charge de l’évaluation technique et objective des besoins du système de santé dans diverses spécialités médicales. En attendant la mise en place de cet outil qui devient indispensable, il faudrait revoir les décisions d’ouverture de nouvelles facultés de médecine et de leurs annexes. Nous demandons l’intervention urgente du président de la République pour débloquer la situation et insuffler une nouvelle dynamique à la formation médicale nationale. Nous ne voulons pas connaître les mésaventures vécues par nos camarades des dernières promotions dont la grande majorité est au chômage. Nous ne demandons pas l’homologation des diplômes pour partir mais pour qu’ils soient reconnus à l’étranger. Faute de débouchés en Algérie, les camarades et amis partis à l’étranger ont été contraints à l’exil où la vie est un combat quotidien. En ces lieux, on ne déroule pas le tapis aux médecins algériens devant trimer pour s’imposer dans un environnement nouveau et parfois hostile. Le ministère a pourtant annoncé la fin du gel des homologations de diplômes mais les camarades ayant déposé des dossiers attendent une réponse qui tarde à venir. L’augmentation des postes de résidanat passant cette année de 3.045 à 4.045 n’a pas pour autant réglé le problème ».
« Fuite massive vers l’étranger »
Parlant sous le sceau de l’anonymat, des hospitalo-universitaires approuvent la démarche de leur étudiants : « Nos élèves et jeunes collègues ont droit à une formation pratique conforme aux normes scientifiques et médicales modernes. La grève des internes suivis désormais par les résidents impacte considérablement le bon fonctionnement des services et la prise en charge des patients. Le départ massif des jeunes médecins vers l’étranger, précisément en Allemagne où ils disposent de meilleures conditions de travail et de salaires plus attractifs, ne tombe pas du ciel. Ce n’est pas une fatalité. D’autant plus que certains responsables des ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur font du concours de résidanat un examen d’’’embauche’’. C’est faux. Le résidanat est un outil de formation de spécialistes devant répondre aux besoins du pays. Ces besoins sont, faut-il le rappeler, de plus en plus croissants. Le manque d’opportunités alors que nos hôpitaux manquent cruellement de praticiens est la cause de cette fuite massive de nos meilleurs étudiants vers l’étranger. Le constat est amère et alarmant à la fois ». « On n’oublie pas la question du deuxième CHU dont la réalisation devient une urgence absolue. Une wilaya comme Sétif avec une population de plus de 2,5 millions d’âmes a besoin d’une telle infrastructure, d’autant plus que l’actuel ne répond plus aux exigences et aspirations des professionnels de la santé et de la population », révèlent les praticiens de l’hôpital, obligés de composer avec le débrayage des résidents, lesquels réclament la revalorisation de la prime de garde, de meilleures conditions de travail et une formation de qualité. « Nous boycottons toutes les activités pédagogiques et médicales. Un service minimum sera en revanche assuré. A l’instar de nos collègues internes et camarades étudiants des facultés de médecines, nous ne demandons pas la lune mais une formation et un encadrement de qualité. Nous continuerons le mouvement tant que nos revendications ne seront pas satisfaites », nous confient, non sans dépit, de jeunes résidents, mettant eux aussi leur grain de sel dans un système médical essoufflé.
Kamel Beniaiche
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