206 views 5 mins 0 Comment

L’accord franco-algérien de 1968 revient sur scène : Les déclarations de Retailleau qui « n’engageraient » que lui

L’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration continue de susciter des débats déchaînés en France. L’écho des voix qui se sont élevées depuis un certain temps, notamment au sein de l’extrême droite française, pour réclamer son abrogation pure et simple est arrivé jusqu’au gouvernement dirigé par Michel Barnier. Après Patrick Stéfanini, Eric Ciotti, Marine Le Pen, Marion Maréchal, ainsi que d’autres personnalités appartenant à la même tendance politique, dont Edouard Philippe et Xavier Driencourt, qui a été ambassadeur de France en Algérie à deux reprises, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, c’est au tour de Bruno Retailleau d’en faire un sujet d’une extrême importance. Il avait déjà appelé à sa suppression, avant qu’il ne soit nommé ministre de l’Intérieur. Il est à rappeler que le jour même de sa prise de fonction, il s’est exprimé à propos de cet accord, assurant qu’il est pour sa suppression, afin d’arriver à réduire les flux migratoires, selon son argumentation. Moins d’une semaine plus tard, il est revenu sur le sujet, réclamant la renégociation de l’accord, qui selon lui est « très favorable pour l’Algérie et très défavorable pour la France ». Il y a trois jours, le même ministre s’est de nouveau emparé de la question devant le sénat, présentant l’accord comme « l’unique responsable de la crise migratoire que traverse la France ». Selon lui, l’accord de 1968 est « un droit exorbitant (pour les Algériens de France, NDLR) que plus rien ne justifie. » À titre personnel, il serait « favorable à la dénonciation de cet accord », tout en soulignant que cette déclaration « n’engage que lui » et non le gouvernement français. D’après lui, « la France s’approche de la décision d’en finir avec l’accord de 1968, du fait de la dégradation de ses relations diplomatiques avec l’Algérie, suite aux déclarations de Macron sur le Sahara occidental et plus récemment à l’affaire de l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal ». « La France et l’Algérie pourraient se saisir de cette brouille diplomatique pour se rendre mutuellement le service de s’oublier un peu l’un l’autre, notamment en matière d’accords migratoires », a-t-il préconisé. Mais pourquoi un tel « remue-ménage » autour d’un accord qui a déjà fait l’objet de trois révisions, en 1985, 1994 et 2001, sans que ses grands principes soient touchés. Quel sens donner à cette tentative de dénonciation ? Quel est l’enjeu qui se dissimule derrière cette agitation ? Quel est le message que l’on veut envoyer à l’Algérie ? Pourquoi toute cette agitation, alors que l’accord n’est plus « opérationnel », de l’aveu de la majorité de la classe politique française ? Bruno Retailleau sait pertinemment que l’accord a déjà été vidé de sa substance, mais cela ne l’empêche nullement d’en faire une fixation à la limite de l’obsessionnel. « Il est faux de prétendre, comme le fait le gouvernement algérien, qu’en cas de dénonciation, nous retomberions sur les dispositions de l’accord d’Évian. Non, nous retomberions sur les dispositions de notre droit commun », a-t-il soutenu devant les sénateurs. Ce que le ministre français doit sûrement savoir, c’est que l’accord tant critiqué, dont certains effets sont devenus obsolètes avec le temps, offre certes quelques avantages aux ressortissants algériens, mais il les prive d’autres alternatives. À titre d’exemple, les Algériens ne peuvent prétendre aux titres français créés récemment, comme le « passeport talent » ou la carte « étudiant programme de mobilité ». Nos étudiants quant à eux ne peuvent bénéficier d’un emploi étudiant sans solliciter une autorisation provisoire et cet emploi ne peut excéder 50 % de la durée annuelle de travail pratiquée dans la branche concernée (contre 60 % pour les autres nationalités).

Mohamed Mebarki

Comments are closed.