Depuis quelques jours, le marché parallèle des devises vit une situation que les économistes et les experts en mouvements des capitaux n’arrivent pas à expliquer en l’absence de données fiables concernant les sources alimentant cette activité souterraine, qui constitue un sérieux obstacle devant le développement de l’économie nationale. Et comment en serait-il autrement, alors que les réseaux contrôlant le commerce informel, l’évasion des fonds et le blanchiment d’argent s’appliquent par tous les moyens pour maintenir ce « double taux », dont les conséquences sont désastreuses à court, à moyen et à long terme. Le prix consenti par l’Algérie pour faire face à cette problématique est particulièrement élevé. Il suffit de revenir un peu en arrière, à l’époque dominé par les oligarques pour constater la ruine provoquée par l’hémorragie financière. La banqueroute n’était pas très loin, et les effets de la récession qu’elle a entrainée n’ont pas encore disparu, malgré toutes les mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics. Le « double taux » a eu et continue d’avoir un impact neutralisant sur la croissance économique, l’investissement étranger et l’évolution du secteur économique privé. En plus, il est en partie responsable de la hausse de l’inflation. Le 8 décembre dernier, le président de la République a décrété en Conseil des ministres la hausse à 750 euros de la somme que les Algériens sont autorisés à obtenir auprès des banques pour leur voyage à l’étranger, une fois par année civile. L’allocation était limitée jusque-là à 15.000 dinars, soit l’équivalent d’un peu plus de 100 euros. Une somme plus consistante aurait-elle eu un effet « indésirable », comme le soutiennent certains experts ? Ça reste à prouver. Il s’agit toutefois et sans aucun doute d’une mesure capitale en mesure de réduire la demande sur le change parallèle, mais cela est-il suffisant pour limiter le marché noir des devises à sa plus simple expression ? Peu probable. Auparavant, les pouvoirs publics avaient décidé à limiter le montant de devises que les Algériens sont autorisés à faire sortir du territoire national à 7 500 euros par personne et par an. Une autre source et non des moindres, qui sert à alimenter le marché parallèle des devises est le blanchiment d’argent ; une pratique que l’Etat s’emploie depuis quelques années à combattre dans le cadre d’une stratégie multidimensionnelle qui comprend la lutte contre le fléau de la surfacturation des produits importés de l’étranger et celles qui sont obtenues légalement par des opérateurs pour importer des produits. Tous ces efforts vont-ils créer les conditions idéales à l’ouverture des bureaux de change officiel ? Il faut souligner qu’aucun bureau de change officiel n’a vu le jour depuis la promulgation du nouveau règlement de la Banque d’Algérie il y a plus d’une année. Il est à rappeler que le chef de l’Etat avait déjà évoqué la problématique de l’économie « souterraine », en parlant de près de 90 milliards de dollars circulant au niveau du marché parallèle, et en insistant sur l’éradication de ce « phénomène », né dans le sillage du démantèlement du monopole de l’Etat sur le commerce extérieur au début des années 80. C’est d’ailleurs dans ce contexte que le marché noir de la devise a prospéré et a eu toute la latitude pour tisser sa toile et implanter ses réseaux, durant la décennie noire et pendant le règne de Bouteflika et le clan qui l’a relayé après la dégradation de son état de santé. Son démantèlement plusieurs fois annoncé, s’il est mené à tous les niveaux, signera la fin d’une époque et le début d’une autre que les économistes souhaitent plus transparente et plus profitable à l’économie du pays.
Mohamed Mebarki
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