Connu pour son franc-parler, l’ex-gaucher emblématique de l’âge d’or de l’Entente Sportive Sétifienne revient à la maison, après des années passées à sillonner les stades. Dans sa première sortie médiatique sans filtre, Rezouk Rahmani, désormais Directeur Technique Sportif (DTS) de l’ESS, partage avec L’EST Républicain ses impressions sur ce retour à la maison pour prendre part un projet sportif de grande envergure.
Un retour aux sources après une longue absence, n’est-ce pas ?
C’est avec un immense plaisir que je retrouve la maison Entente, pour participer au projet sportif initié par le groupe Sonelgaz. Mon objectif est de mettre mon expérience, mon vécu et mon savoir-faire au service du club. Comme vous le savez, je suis un pur produit de l’USMS, où j’ai commencé ma carrière en 1971. Après avoir quitté mon club de cœur en 1980, j’ai brièvement joué pour l’ASPTT Sétif, avant de revenir à l’USMS. En 1985, sous l’insistance d’Abdelhamid Kermali (Allah Yarahmou) et avec le soutien de mon frère défunt Mohamed, gardien emblématique de l’ESS, j’ai porté le mythique maillot noir et blanc. J’ai eu l’honneur de participer à la Coupe du Monde universitaire 1985 à Tokyo, remporté une Coupe d’Algérie sous Kermali, un championnat avec Mokhtar Arribi et Krimo Khalfa, ainsi qu’une Coupe Afro-Asiatique avec Bouzid Cheniti et El Hadj Noureddine. Après un bref passage au Qatar, où j’ai gagné une Coupe avec la formation d’Al Rayane, suivi d’expériences comme entraîneur-joueur à Merouana et au SAS, j’ai poursuivi une carrière de coach avec plusieurs clubs de la grande division deux, comme l’US Biskra, Boussaâda et Khemis El Khechna. Aujourd’hui, après 28 ans d’expérience, je reviens à la maison déterminé à contribuer à un projet ambitieux. Votre serviteur, né le 14 décembre 1960 à Sétif, est universitaire et détenteur du 3e degré et des diplômes CAF A, B et C…
Quels ont été vos premiers contacts avec la direction de l’ESS ?
J’ai été contacté pour la première fois le jeudi 2 janvier passé, par Nabil Kebaili – le Président-Directeur Général (P.-D.G) de la SSPA/Blacks Eagles. Dès le lendemain, après une discussion franche et directe, on s’est rapidement mis d’accord. En tant qu’ancien joueur et homme de terrain, je n’étais pas intéressé par un poste administratif. Le projet sportif proposé par Sonelgaz, visant à bâtir quelque chose de solide, m’a convaincu. Je n’ai rien négocié. Je ne pouvais le faire, car il s’agit de l’Entente. Je ne ménagerai aucun effort pour être à la hauteur de la confiance du propriétaire du club, décidé à faire de l’ESS un club professionnel au sens noble du terme.
Quels sont les objectifs qui vous ont été assignés ?
Je suis porteur d’un projet sportif, celui qui a été proposé à Mourad Adjal, P.-D.G du groupe Sonelgaz, lors de la réunion tenue en Août 2023 au siège de la wilaya de Sétif. Le choix de Sonelgaz, qui ne lésine pas sur les moyens, n’est donc pas fortuit. Avec les moyens dont dispose actuellement le club, l’ESS pourrait, à court et moyen termes, redevenir à nouveau un producteur de talents et de joueurs susceptibles de renforcer l’équipe pro. Par définition, un DTS a non seulement un droit de regard sur le fonctionnement des équipes compétitives, comme les séniors, la réserve et les U19, mais s’implique aussi directement dans le quotidien des équipes précitées.
Pourriez-vous nous parler de vos projets et priorités avec l’équipe pro ?
À l’heure où je vous parle (entretien réalisé avant-hier mardi en fin d’après-midi, NDLR) je n’ai toujours pas pris mes fonctions. Je commencerai mon travail après le match de Coupe d’Algérie, devant opposer demain vendredi au 8 mai 1945 l’ESS à la JS Djijel. Je suivrai cette confrontation en observateur et fervent supporteur. J’espère le faire à partir du banc des remplaçants, où je serai à côté de tout le collectif. Je n’ai toujours pas discuté avec l’entraineur en chef des différents aspects concernant le collectif. Tant que je n’ai pas entre les mains toutes les données, à savoir un bilan chiffré de la phase aller avec ses hauts et ses bas, il est donc prématuré de parler de la feuille de route pour la deuxième phase du championnat. Si on veut parler d’un projet sérieux, on ne peut le mettre en application au beau milieu d’une saison. Je vais pour le moment mettre toute mon expérience pour aider le collectif à retrouver la sérénité, le plaisir de jouer et de se défoncer sur le rectangle vert. Je ferai de mon mieux pour lui transmettre la grinta qui m’a accompagné pendant une longue et riche carrière, que ce soit en ma qualité de joueur ou d’entraineur.
Votre avis sur le groupe actuel et le mercato hivernal ?
À vrai dire, je n’ai pas suivi tous les matchs de la phase aller. Le groupe demeure perfectible. Le collectif a, à mon sens, besoin d’un soutien psychologique constant. Il peut améliorer son rendement, d’autant que le niveau du championnat n’est pas très élevé. Tant que je n’ai pas discuté avec Redha Bendris, je ne peux parler du projet de jeu. Je voudrais en outre insister sur la question du mercato hivernal : n’ayant aucune connaissance des besoins du groupe, je ne peux m’immiscer dans ce volet. Avec mon vécu de joueur et d’entraineur, je ne vais pas chambouler le travail des collègues en place. Je dois de prime à bord suivre et observer le groupe, puis essayer par la suite d’apporter ma pierre à l’édifice. La direction du club a confié le chapitre mercato hivernal à des collègues connaissant mieux que quiconque les besoins de l’équipe.
Selon vous, que faudrait-il faire pour que le club puisse rétablir le contact avec ses fans ?
Éxigeants et connaisseurs à la fois, nos supporters aiment le beau jeu. Une telle exigence ne date pas d’hier, nous étions déjà confrontés à une telle réaction du temps des défunts Arribi et Kermali. Ces deux légendes n’ont pas échappé aux critiques les plus acerbes. La pression la plus forte est le pain quotidien des grands clubs. Il nous arrivait d’être salués et ovationnés alors qu’on venait de perdre au 8 mai 1945. Notre public, avide et amoureux du beau jeu, a hué les Adjissa, Zorgane, Serrar, Rahmani, Adjas, Nabti, Gherib, Osmani, Cheniti, Khalfi et Saoud, pendant et après une victoire sanctionnant un contenu terne et insipide. L’exigence du beau jeu est l’ADN des inconditionnels de l’ESS. C’est une marque de fabrique. Si on ne peut pas résister à la pression d’un public abonné aux cimes, on ne comprend rien au football de haut niveau. L’amélioration du rendement (le contenu du jeu s’entend) de l’équipe est le moyen idoine pour rétablir le contact et gagner la confiance des inconditionnels de l’ESSétif, où les moyens ne manquent pas. Je vais discuter avec les joueurs pour les aider à reconquérir ce public fabuleux.
Pouvez-vous être plus explicite ?
Évoluer devant plus de 15 à 20.000 fans à chaque match est une chance extraordinaire pour un compétiteur. Avoir un tel public est une chance inouïe. Sans langue de bois, les supporters sont à mon sens le plus grand capital de l’ESS. Il faut savoir reconnaitre ses fautes, assumer ses erreurs, éviter de chercher des boucs émissaires et travailler dur. Il n’y a pas de mal à faire son mea-culpa. Connaisseur et exigeant, notre public ne peut pas avaler aussi facilement des couleuvres. Je m’engage humblement à faire tout mon possible pour contribuer à la résurrection de l’Aigle Noir, qui n’a pas le droit de faire de la figuration ou de jouer les seconds rôles. C’est d’ailleurs l’objectif premier de Sonelgaz.
Kamel Beniaiche
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