
La wilaya de Mila a vécu cette année un 19 mars pas comme les autres. Le corps du chahid Mokhtar Sayoud, découvert tout récemment dans une casemate de l’Armée de Libération Nationale (ALN), a été inhumé à cette occasion, soit 66 ans après son décès lors d’un accrochage avec l’armée française. Le martyr de la Révolution est mort le 27 décembre 1959 dans la casemate de l’ALN de la localité montagneuse de Bouachera, dans la commune de Chigara. Mais les restes de son corps n’ont été enterrés que mercredi, lors de funérailles grandioses et dignes d’un héros de la glorieuse Révolution, organisées en son honneur et en l’honneur de sa famille par la wilaya de Mila et la direction et l’Organisation des Moudjahidine, en collaboration avec les représentants de la famille révolutionnaire et le club des spéléologues de Constantine, qui a été à l’origine de la découverte. Les funérailles officielles du feu Mokhtar Sayoud (1918-1959) ont attiré des milliers de personnes des quatre coins de la wilaya, venus faire un dernier adieu à l’un des héros de l’Algérie. Ils ont pu voir de près les armes, munitions et effets personnels du chahid, notamment un journal rédigé à la plume, retrouvé près de lui dans la casemate, au moment de sa découverte le 6 mars dernier par des spéléologues de Constantine et de Bejaïa, qui étaient en randonnée dans cette région montagneuse du nord de Mila. Selon le fils ainé du chahid, Hocine Sayoud, le martyr a été gazé, avec de nombreux compagnons d’armes, alors qu’ils s’étaient retranchés dans la grotte de Bouachera pendant un accrochage avec des militaires français. Dans une déclaration à L’Est Républicain, Hocine nous dira : « Mon père et 57 autres moudjahid étaient, ce jour-là, dans la casemate de Bouachera. L’armée française a gazé la grotte. Certains de ses compagnons ont quitté leur retranchement rocheux et furent capturés, d’autres ont réussi à se faufiler entre les rochers et s’éloigner de là. Mon père est resté coincé dans la casemate et y est mort ». Le jeudi 6 mars, les spéléologues du club de Constantine de Spéléologie et des Activités de montagnes et leurs pairs de la wilaya de Béjaïa sont arrivés par hasard à l’intérieur de la casemate, à plus de mille mètres d’altitude. Ils y ont trouvé de restes humains, un fusil de chasse rouillé, une cartouchière, un couteau, un bracelet-montre, un petit miroir circulaire et un peigne à cheveux, ainsi que des feuilles de papier rédigées en langue arabe, au moyen d’une plume à encre, outre six pièces de monnaie de l’époque. Le président du club, Amine Chatti, indique qu’il a tout de suite alerté les autorités civiles et militaires de la wilaya, avant que les spéléologues ne participent à sortir la dépouille mortelle de l’intérieur de cet abri rocheux. Les analyses de l’ADN ont démontré que les restes humains appartenaient au chahid Mokhtar Sayoud. Ce dernier a laissé derrière lui quatre filles et deux garçons, que nous avons tous approchés lors des funérailles organisées sur l’esplanade de Rawdat Chouhada, à Ain Sayyah, dans la commune chef-lieu de Mila. Sa fille ainée, El Bahdja Sayoud, nous dira : « Je connais mon père. J’étais jeune à ce moment-là. Quand il venait à la maison, il nous demandait de faire attention à nous. Mon père aimait manger ce que je cuisinais. Il me disait qu’il aimait ma galette. » Notre source indique d’autre part que c’était un certain Bouzid Omara qui avait dénoncé le repaire aux Français. « C’est Bouzid Omara qui a indiqué la casemate à l’armée française », mais apparemment ce Bouzid n’était pas un délateur, comme on pourrait le croire. Si le fils ainé du chahid confirme le nom de la personne qui avait dénoncé la casemate au français, il précise néanmoins que le mis en cause avait perdu la raison à force d’être torturé. « Le père de ce Bouzid et son frère étaient dans la casemate ce jour-là. Bouzid était malade, pas un indic », affirme le fils ainé du chahid. Celui-ci nous révèle par ailleurs qu’il avait tout de suite reconnu le fusil de son père lorsqu’il l’avait revu : « Ce fusil de chasse à deux canons, je l’ai vu à chaque fois que mon père rentrait du maquis. J’ai reconnu aussi la montre qu’il portait au poignet et son couteau. » Les autres enfants du Chahid, Daouya, Zahia, Rbiha et Douadi, étaient encore enfants au moment de sa mort au champ de bataille et ne gardent de lui presque aucun souvenir. En effet, Rbiha avait 3 mois, Daouya 2 ans et Zahia 4 ans à ce moment-là. Lors des funérailles, le directeur de l’Organisation Nationale des Moudjahidine (ONM) nous a déclaré : « Sayoud Mokhtar, Allah yarhmou, était un homme vrai. Il a rejoint le maquis en 1955. Il a participé à des embuscades et des batailles qui ont eu lieu dans la région. Il est mort le 27 décembre 1959, les armes à la main. » Mustapha Koreich, le wali de Mila, dans une allocution lue par le directeur des Moudjahidine, a salué l’âme du défunt et rendu un vibrant hommage aux femmes et aux hommes de la glorieuse Révolution de novembre. En outre, il a promis d’organiser, en collaboration avec le club des spéléologues de Constantine, de nouvelles explorations des grottes de la région, après le Ramadhan.
Kamel Bouabdallah
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