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Architecte des âmes et des bâtisses à Sétif : Kamel Yaici s’en va pour un monde meilleur

Il est des hommes dont le départ laisse un vide immense, une absence qui résonne comme une brèche dans l’édifice de nos vies. Kamel Yaici était de ceux-là. Il s’est éteint le vendredi 28 mars 2025 après un combat inégal contre la maladie, mais son héritage, lui, demeure intact. Architecte visionnaire, il ne s’est pas contenté de bâtir des structures : il a forgé des esprits, éveillé des vocations et transmis une passion qui survivra en ceux qu’il a formés. À l’institut d’architecture de Sétif, où il a été à la fois directeur et enseignant, il incarnait l’exigence et la bienveillance, la rigueur et l’inspiration. Plus qu’un professeur, il était un guide, un mentor, une lumière pour ses étudiants aujourd’hui sous le choc. « Je suis bouleversé. Monsieur Kamel Yaici incarnait le dévouement et l’excellence. Véritable encyclopédie vivante, il nous enseignait l’Histoire Critique de l’Architecture (HCA) avec une passion contagieuse. Il ne se contentait pas de nous transmettre un savoir, il nous donnait les clés pour comprendre notre métier et l’aimer. À l’écoute, toujours prêt à aider, il se pliait en quatre pour nous fournir documents et ouvrages indispensables à nos études. Son départ laisse un vide immense » –
Iftikhar Azli, architecte en chef à l’institut d’architecture de l’Université Ferhat Abbas de Sétif (UFAS). Son bureau d’études était devenu au fil des ans un refuge, un tremplin pour plusieurs générations d’étudiants en quête de conseils et de perfectionnement. Pour lui, un bâtiment n’était jamais une simple juxtaposition de matériaux, mais un dialogue vivant entre l’homme et son environnement. Malgré l’émotion, Pr Assia Samai Bouadjadja trouve la force d’évoquer l’empreinte indélébile laissée par le défunt : « Monsieur Yaici était notre directeur d’institut. Son bureau était toujours ouvert, son écoute bienveillante, son exigence stimulante. Il ne ménageait aucun effort pour nous offrir les meilleures conditions d’études et enrichir notre formation. Il était un modèle pour notre génération ». Aujourd’hui, ses collègues et ses amis pleurent un maître, mais aussi un homme d’une rare humanité. « Son départ nous arrache à une voix, un sourire, une force tranquille qui, jusque dans l’épreuve, a su garder sa dignité et son courage. Mais il n’a pas perdu son combat : il a gagné l’éternité à travers ceux qu’il a formés, inspirés, aimés. À son retour de France, il a dû relever le défi de la transition après le départ des enseignants français. En 1985-1986, il a mené un combat décisif, aux côtés de ses collègues, pour maintenir l’institut d’architecture à Sétif. Beaucoup ignorent cette lutte qu’il a brillamment remportée » – Faicel Ouaret, doyen de l’architecture à Sétif, à L’Est Républicain. Fils du grand moudjahid Si Abdelkader, l’un des piliers du département armement et ravitaillement de la Révolution algérienne à l’étranger, Kamel Yaici a grandi dans l’ombre d’un père marqué par le sacrifice. En 1960, Si Abdelkader, surnommé Si Nouasri, fut grièvement blessé par l’explosion d’un colis piégé, perdant ses deux mains et subissant de multiples blessures. Reposant au cimetière Sid El Khier, il y a été rejoint hier, samedi, par son fils. Une foule nombreuse s’est déplacée pour lui rendre un dernier hommage, accompagnant cet enfant de Sétif qui s’en est allé à quelques heures de la fin du mois sacré. Kamel Yaici n’est plus, mais son œuvre, elle, reste inscrite dans la pierre et dans les cœurs.

Kamel Beniaiche

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