
Une vidéo postée récemment sur Facebook, filmée à partir d’un plaisancier, montre les degrés de gravité en matière d’atteintes aux richesses halieutiques par des « pirates ». Ces derniers ciblent les zones maritimes protégées d’Annaba en cette période de production poissonneuse. Ayant fait l’effet boule de neige sur la toile, un bateau de pêche professionnel a été filmé au moment où il larguait les filets de pêche à moins de vingt mètres du rivage de la zone de Ras El Hamra, plus précisément du côté du Vivier. Région poissonneuse par excellence, un véritable vivier, cette région rocheuse comme l’indique son nom d’ailleurs, fait partie de la plus importante zone de reproduction du mérou du pays. Elle s’étend du Cap de Garde d’Annaba jusqu’à Guerbez (Skikda), en passant par les rivages des deux frères, Aïn Barbar, Chetaïbi et Akacha. Célèbre pour ses richesses halieutiques, surtout en poisson blanc, le littoral annabi fait l’objet depuis des années d’une surexploitation sauvage et anarchique, y compris dans les zones protégées, à la grande déception des professionnels en la matière. Cette situation, affirment des professionnels, est due aux agissements sans foi ni loi de certains bateaux de différents types, qui pêchent tout près des côtes avec des méthodes interdites même dans les pays les plus reculés. Parmi ces méthodes, on trouve la pêche à la traîne, avec des filets doubles proche dits « 9,2 », ou encore à l’aide de ceux appelés « invisibles » et en semi-pélagique. Même les récifs coralliens, objet d’un trafic immense, sont outrageusement appauvris en raison d’un pillage systématique. Pour les professionnels, le constat est des plus amers, car la crise du poisson a atteint son summum. On pointe un doigt accusateur en direction des propriétaires aussi bien des petits métiers que des chalutiers, qui ont aussi leur part de responsabilité dans cette situation, au même titre que la pollution marine. Ces marins, précise-t-on, activent souvent et au grand jour tout près du rivage. « Ici à Annaba, l’activité halieutique se fait généralement d’une façon anarchique et surtout contraire aux normes et lois internationales. C’est inadmissible et paradoxal à la fois de découvrir que des ‘professionnels’ pêchent n’importe quand, n’importe où, n’importe comment et n’importe quoi », a tenu à dénoncer un marin-pêcheur. Enfin, il est inutile d’aborder le volet des prix, puisqu’il a atteint « l’overdose ». À l’image des prix de la sardine, autrefois une friture destinée plutôt aux gens pauvres, ils ont dépassé, aux poissonneries d’Annaba, toutes les prévisions, en surpassant les prix de la dorade, du merlan et de la viande de mouton ! Aux agissements criminels de certains marins-pêcheurs, il faut ajouter le problème de la pollution, qui a fini par empoisonner non seulement la vie quotidienne des habitants, mais aussi la faune et la flore. Ces phénomènes ont eu un impact désastreux sur la richesse halieutique de la wilaya, engendrant l’indisponibilité du poisson qui vaut maintenant de l’or. Rappelons que la côte annabie, longue de 80 kilomètres, où se jette l’Oued Seybouse, contient des quantités de déchets toxiques. Ces rejets ont transformé une partie de son plan d’eau en un véritable dépotoir de nuisances mortelles. Cette côte est qualifiée comme la « plus polluée » du littoral algérien. Confronté chaque jour à plusieurs polluants industriels et urbains émanant des différentes villes (68 communes de sept wilayas) et usines (quelque 250) situées sur les deux rives de l’Oued Seybouse, le plan d’eau du littoral annabi est exposé à un degré de pollution très élevé. Cette situation annonce les prémices d’une catastrophe écologique réelle. Dans un récent rapport établi par « Safege Algérie », il a été révélé que « sur environ dix millions de mètres cubes de polluants industriels rejetés quotidiennement dans cette rivière, plus de trois millions sont des huiles usagées ». Pour le moment, à l’exception des éleveurs versés dans le développement de l’aquaculture, dotés de bassins de reproduction pour la pisciculture et la conchyliculture, une activité qui demeure très en retard par rapport à d’autres wilayas importantes, qui semblent épargnés par la crise, les pêcheurs professionnels et les vendeurs, voire les consommateurs, sont dans le désarroi et le doute quant à l’avenir de leur métier. Il est utile de noter que les prévisions du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques en matière de développement de l’aquaculture pour l’an 2025 ciblent un objectif de 53.000 tonnes de poissons.
B. Salah-Eddine
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