
Le 8 mai 1945 et les journées d’après n’étaient pas une provocation insurrectionnelle fomentée par le PPA, mais une répression impitoyable et un acharnement systématique, visant à enlever toute idée d’émancipation de la population algérienne, avait témoigné Abdelhamid Benzine, qui a vécu ces journées, à une époque où il était cadre moyen au PPA. Cette vérité, immortalisée par de nombreux acteurs et admise par beaucoup d’historiens, ne risque pas la péremption tant qu’elle est transmise de génération en génération, avec une grande conviction doublée d’une rigueur scientifique. Chaque commémoration de ces atrocités coloniales représente une occasion et une opportunité pour identifier la filiation historique entretenue par un « fait », qui a eu lieu il y’à 80 ans, avec un présent où sont confrontées, de part et d’autre de la Méditerranée, des opinions et des positions opposées. Les poussées de fièvre répétées dans les rangs de l’extrême-droite française, illustrées par le réveil d’un sentiment anti-algérien, alimenté par la nostalgie coloniale à une époque révolue, traduisent plus qu’un tempérament actuel mais une tendance politique bien enracinée dans certaines sphères influentes du microcosme parisien. Une tendance qui s’accroche par tous les moyens à des contrevérités. En refusant de reconnaitre jusqu’à aujourd’hui le fait que les Algériens sont sortis dans les rues pour manifester pacifiquement en revendiquant l’indépendance de l’Algérie, une partie de la classe politique française ne fait que perpétuer cet « esprit faussaire » et négationniste que des hommes de lettre à l’image de Boualem Sansal ont véhiculé dans leurs écrits. Son roman intitulé « Le village de l’allemand » verse dans ce sens. Cette contre-écriture de l’histoire est aujourd’hui fortement instrumentalisée en France dans le but de dénigrer le sentiment national du peuple algérien. « Je suis né quand j’avais seize ans, le 8 mai 1945 ». Cette formule créée par Kateb Yacine, qui a participé aux manifestations de Sétif, devrait être méditée sans arrêt. Ne constitue-t-elle pas un fil conducteur servant à imprégner les jeunes générations d’une conscience patriotique dynamique ? « Avant 1945, je n’avais aucune conscience de ce qui se passait dans le pays. J’étais un écolier… Lorsque je suis sorti de prison, j’avais une vision du peuple. Ces gens que je n ‘avais jamais remarqués…quand je les ai vu en prison, et que nous avons parlé ensemble, quand nous avons eu les mêmes tortures, les mêmes chocs, j’ai commencé vraiment à les connaître. Et sorti de prison… j’étais tout à fait convaincu qu’il fallait faire quelque chose… ». L’auteur du célèbre « Nedjma », dont l’éveil politique a été déclenché dans la tragédie portée par Sétif, Guelma et Kherrata, est considéré comme un détenteur d’une mémoire collective que les Algériens sont, non seulement tenus à entretenir, mais à en faire l’usage d’un repère et d’un aiguillage pour une meilleure compréhension du passé et du présent. En commémorant le 8 mai 1945, les Algériens font acte de fidélité aux sacrifices consentis par leurs aînés ; loin d’en faire un alibi politique. Aujourd’hui comme hier ou avant-hier, la France officielle est interpellée, ne serait-ce que par acquis de conscience, pour reconnaitre officiellement ce crime contre l’humanité. Ce sera alors un sérieux gage d’une véritable avancée vers l’apaisement mémoriel.
Mohamed Mebarki
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