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Saâda Arbane ne lâche pas Kamel Daoud : Le prix Goncourt dans la tourmente

Saâda Arbane a certes perdu la voix. Mais, elle n’a pas égaré pour autant la voie, qui l’oppose désormais à Kamel Daoud, qu’elle accuse d’avoir volé son histoire sans son consentement, tout en clamant publiquement qu’il s’agit d’une fiction. Déterminé à se faire entendre et réclamer des dommages et des intérêts à l’écrivain, qui a exploité la tragédie vécue par la jeune femme durant la décennie noire, pour en faire un roman à succès, récompensé par le prix Goncourt, elle a lancé des procédures en justice contre Kamel Daoud en Algérie et en France. Sollicitée par l’agence France presse, elle a confirmé pour la énième fois avoir connu personnellement l’écrivain et qu’il a eu accès aux détails de son histoire par son épouse psychiatre, Aïcha Dahdouh, qui a suivi Saâda Arbane pendant plusieurs années. « Le roman Houris puise directement dans mon vécu le plus intime que j’ai partagé dans un cadre médical », a-t-il déclaré. « Je me suis sentie trahie, humiliée », a-t-elle ajouté, avant d’expliquer : « Clairement, ce que j’ai lu dans ce roman relève d’une violation du secret médical et de ma vie privée ». Pour elle, il est inconcevable que la thérapie soit « détournée ici pour devenir une source de matière littéraire. Ce n’est pas seulement une erreur, c’est une faute professionnelle, juridique, humaine et éthique », a-t-elle déploré, en enfonçant l’écrivain. Celui-ci nie toujours, en persistant à dire que son roman n’a rien à voir avec cette femme-là ». Mais faute d’arguments solides et de preuves majeures, il va finir par désenchanter. L’histoire de Saâda Arbane était-elle connue de tout le monde, comme le prétend Kamel Daoud ? « Faux, selon la jeune femme : « jamais mon histoire n’a été publique ». « Que Kamel Daoud dise le contraire revient à me déposséder une seconde fois de ma vérité et de ma voix, on tente de banaliser un acte grave », s’est-elle révoltée, accumulant les preuves d’un vol de mémoire caractérisé. En avançant que la jeune femme est manipulée par le pouvoir, l’écrivain s’accorde à se donner une stature qui n’est pas la sienne. « Dire que je suis instrumentalisée par le pouvoir algérien, c’est juste une tentative lâche pour décrédibiliser ma parole en la rendant politique, mais cette affaire ne vient d’aucune manœuvre extérieure », a riposté la jeune femme. En attendant l’issue des plaintes, Saâda Arbane dit que l’affaire a « réveillé des traumatismes qu'(elle) avait mis des années à apaiser ». « J’ai ressenti un sentiment de dépossession terrible, l’impression que ce que j’avais vécu était banal, que j’étais à la merci de n’importe qui, un tueur comme la première fois, un homme, un écrivain », a-t-elle dit. Mais même si elle se dit psychologiquement « brisée », elle assure qu’elle saura se « relever ». « J’ai initié ces différentes procédures judiciaires en France et en Algérie pour défendre mon intégrité et dire que (…) les histoires oubliées méritent le respect », a-t-elle souligné, en précisant qu’elle ne n’a jamais nourri la prétention de censurer un écrivain. « Je cherche à faire reconnaître un préjudice réel et très grave », a-t-elle insisté.

Mohamed M

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