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L’épopée des Béni Mezline : Après les massacres de Mai 1945, la mort du chahid Redada Salah

A l’occasion de la célébration du 61ème anniversaire de l’indépendance et de la jeunesse, il est de bon ton de rappeler la contribution des régions du pays profond, qui ont offert leurs enfants en sacrifice pour la libération de l’Algérie. La commune actuelle de Béni Mezline recèle une histoire tragique, vécue durant les massacres de mai 1945 et surtout durant les exactions des forces coloniales durant la Guerre de libération. Cette commune, qui regroupe treize mechtas, se trouve à l’est de la ville de Guelma, du côté de Guelaât Bou Sbaâ. Située dans le majestueux massif de Djebel Houara, elle fait partie d’une chaine de montagnes impénétrables, culminant à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer, d’où on aperçoit les monts de la Mahouna, de Hammam N’baïls, et les djebel de Béni Salah et de l’Edough. Son relief se compose de forêts denses, d’immenses rochers qui recèlent des gravures rupestres, ainsi que d’une huilerie traditionnelle, qui produisait une huile d’olive de grande qualité. Ces différents éléments dénotent le passage de plusieurs civilisations à travers les siècles. Beni Mezline a vu ses habitants participer à la Guerre de libération nationale, tout en enregistrant un grand nombre de chouhada. Le massif montagneux offrait un lieu sûr pour les moudjahidine et un endroit stratégique difficile d’accès. Redada Salah ben Lakhdar, né en 1905 à Sekouma, mechta qui tire son nom de la plante à asperges qui foisonne en ces lieux, en plein centre du Djebel Houara, est membre de la tribu des Béni Mezline ; Tribu que les autorités locales avaient disloquée, attribuant d’autres noms de familles aux descendants d’un clan originaire de la Saguia El Hamra, l’actuel Sahara Occidental. Le chahid est né dans une famille de cultivateurs et d’éleveurs. Durant la révolution, ses compagnons d’armes lui avaient attribué le nom de guerre d’ « El Kaïd Mohamed Tahar ». Avant la révolution, il était impliqué dans les mouvements politiques de l’époque et avait pour conseiller le cheikh de la zaouia, Si Abdelmajid Beddiar. Salah était responsable du markez (centre) qui s’occupait de collecter les aides pécuniaires, les effets vestimentaires, ainsi que des médicaments et du ravitaillement pour les membres de l’Armée de Libération Nationale (ALN), en plus de militer pour le MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques). Il était imprégné d’une profonde piété et ne supportait plus la présence des français, qui leur avaient confisqué leurs terres et surtout commis le génocide du 8 Mai 1945, durant lequel sept membres de sa famille ont été froidement abattus. Salah était également responsable du comité populaire de la région, qui s’occupait de l’organisation et de la sensibilisation des habitants, de la collecte de renseignements sur les mouvements de l’armée d’occupation et de ses traitres, mais aussi de régler les différends entre les populations locales et d’aider les familles nécessiteuses ou celles dont les proches ont rejoint le maquis. Passage obligé des convoyeurs d’armes de la Tunisie vers l’intérieur du pays, à travers les lignes de défense armées de Challe et Morice, la région avait connu de nombreux accrochages, mais aussi des raids meurtriers de l’aviation française, ainsi que des attaques d’hélicoptères. Durant le mois de janvier 1958, un accrochage sanglant, qui avait duré trois jours et trois nuits, a opposé un groupe de moudjahidine à l’armée coloniale à proximité des lignes armées. Au cours de cette bataille, appelée «  la bataille de Bir El Anani », la tribu des béni Mezline devait perdre seize de ses enfants, parmi lesquels Redada Salah, mais également  150 moudjahidine provenant de la grande Kabylie. Les pertes de l’armée française se comptaient par centaines. Signalons enfin que le chahid Redada Salah avait été contacté par le regretté Benmostefa Amar, dit Benaouda, membre des 22, responsable de la zone 4 de la wilaya 2 et avait côtoyé le valeureux chahid Boukamouza. Mounir Mezlini est l’auteur d’un livre consacré à cette tribu, élaboré grâce à un grand nombre de témoignages, réunis par Redada Mohamed Laïd, le petit fils du chahid.

Ahmed Chabi

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