1047 views 7 mins 0 Comment

Requin blanc capturé au large des côtes à Annaba : La désinformation transforme un bébé en monstre

Voilà maintenant trois jours que les réseaux sociaux sont inondés d’avertissements et de photos sur la présence de requins non loin des côtes d’Annaba, notamment avec la capture d’un Grand requin blanc juvénile au large de la wilaya. Certaines de ces informations sont véridiques, mais il y a aussi beaucoup de fausses informations, notamment concernant un danger pour les estivants.

Les internautes, les influenceurs et surtout les utilisateurs de TikTok partagent en masse des informations sur d’éventuelles attaques de requins, notamment de Grands requins blancs, sur les plages de la wilaya. Cette vague de publications, souvent montées, fait suite à la capture d’un requin par des pêcheurs au large des côtes d’Annaba. D’après les photos partagées sur Facebook et Instagram, il s’agirait d’un très jeune spécimen. Cette espèce, facilement identifiable par son museau et sa double rangée de dents, est en voie de disparition et protégée. Cependant, l’observation de Grands requins blancs en Méditerranée n’a rien d’exceptionnel, car cette espèce fait partie intégrante de l’écosystème marin méditerranéen. La principale raison pour laquelle le chemin de ce jeune requin blanc a croisé celui des pêcheurs qui ont mis fin à sa courte existence est que les femelles se rapprochent des côtes pour mettre bas et libérer leurs petits dans des eaux peu profondes, où il y a moins de prédateurs et plus de nourriture. Toutefois, ces zones côtières sont très exposées à plusieurs menaces d’origine anthropique.

Une espèce en danger d’extinction

Le Grand requin blanc adulte peut atteindre six mètres de long et se trouve principalement en haute mer, jusqu’à 800 mètres de profondeur, tandis que les jeunes sont plus fréquemment observés dans les milieux côtiers à une profondeur de 200 mètres. Mais il ne s’agit pas des côtes algériennes. La plupart de ces observations se font en haute mer, principalement du côté nord de la Méditerranée. Le Grand requin blanc est davantage présent sur les côtes du sud, en mer Méditerranée, principalement en Sicile et sur les côtes du Maghreb. En Algérie, il a été signalé 31 espèces de requins appartenant à douze familles différentes. Certaines sont régulièrement pêchées, tandis que d’autres sont accidentellement capturées lors de pêcheries ciblant l’espadon et les thonidés mineurs en haute mer, à des centaines de kilomètres des côtes algériennes. Il existe plus de cinquante espèces vivant en Méditerranée, parmi lesquelles le requin-vache, le requin-tigre, le requin-renard commun, le requin gris, la petite roussette, le requin mako et le Grand requin blanc, le super-prédateur de la mer Méditerranée. On estime néanmoins qu’il y en a environ 350 individus de Grands requins blancs en Méditerranée. Autrefois très abondante, cette espèce est désormais classée en danger d’extinction par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), selon l’association « Longitude 181 », qui mène un programme de sensibilisation et de préservation de l’espèce au large des côtes algériennes. Leur population a drastiquement diminué au cours des dernières années. En 2018, environ 98 % d’entre elles avaient disparu en Méditerranée (92 % au niveau mondial), d’après l’IUCN.

LHomme, principal prédateur

Quant au danger que représentent les Grands requins blancs pour l’humain, il est minime et relève de l’accident. Cette espèce se nourrit d’une grande variété d’aliments, particulièrement de poissons gras comme le thon et l’espadon, dont les populations se reconstituent grâce aux quotas de pêche qui ont permis leur renouvellement en Méditerranée. Depuis plus de trente ans, les films comme « Les Dents de la Mer » ont contribué à alimenter une paranoïa collective, associée aux attaques de requins enregistrées à l’île de la Réunion ou en Australie. Cependant, les faits sont clairs : le Grand requin blanc n’est pas un tueur d’Homme. Au contraire, il évite et fuit le véritable prédateur alpha de la planète bleue : l’être humain. Les cas d’attaques de requins sont rares et souvent enregistrés en haute mer, impliquant généralement des plongeurs ou des pêcheurs qui passent par-dessus bord des navires de pêche.

Les risques dattaques relèvent de laccident

À ce stade, le risque d’une attaque de requin juvénile à moins de 200 mètres de profondeur près d’une plage est purement fictif. Une fiction que des instigateurs, ignorant la sensibilité de la biodiversité menacée en Méditerranée, utilisent pour publier de fausses informations, effrayer les estivants et obtenir des « vues » sur les réseaux sociaux. En réalité, la seule victime à déplorer est un jeune Grand requin blanc qui a croisé la route du véritable super-prédateur de la Méditerranée : l’Homme, qui pêche et chasse des espèces en voie d’extinction pour gagner en popularité sur les réseaux sociaux. Toutefois, peut-être que cette fiction deviendra réalité et qu’à l’avenir, une mère Grand requin blanc s’aventurera près des chalutiers pour se venger. Des précédents similaires existent dans la nature, comme le cas des orques « couleuses de bateau ».

Soufiane Sadouki

Comments are closed.