Le dossier relatif au conflit mémoriel, opposant l’Algérie à la France et confié aux historiens des deux pays dans le but de le tenir loin de toute tentative d’exploitation politicienne, constitue une préoccupation majeure pour les deux chefs d’État. Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron l’ont souligné en commun et séparément. 61 ans après l’indépendance de l’Algérie, des voix ont continué à s’élever des deux côtés de la Méditerranée. Politiciens et intellectuels ont exprimé leur engagement en faveur d’une refondation des relations entre Alger et Paris, enfin débarrassées de certains malentendus, pour appeler à un apaisement durable. Mais rien de concret n’a suivi. Cette absence d’initiative a surtout servi comme prétexte à une partie de la droite et pratiquement l’ensemble des groupuscules de l’extrême-droite française, pour qu’elles montent au créneau dans une diatribe anti-algérienne accentuée. C’est d’ailleurs dans la perspective d’échapper aux spéculations qu’une commission d’historiens algériens et français, menée du côté algérien par Mohamed Lahcen Zeghidi et du côté français par Benjamin Stora, a été mise en place pour travailler sur la question de la colonisation française et de la Guerre de libération algérienne. Créée en août 2022, cette commission ne s’est jamais réunie. Mais d’après des sources qualifiées de sûres, historiens algériens et français se sont réunis mercredi dernier en Algérie et plus précisément à Constantine. Mais pourquoi Constantine ? Il semblerait que ce soit le choix de Benjamin Stora, natif de cette ville, avec laquelle il a toujours entretenu une relation intime. Ce n’est qu’en 1962 qu’il l’a quitté, âgé alors de 12 ans. Les historiens des deux pays, qui ont eu l’assurance d’accéder sans restriction aux archives de la colonisation et de la Guerre de libération nationale, vont pouvoir aborder tous les sujets, documents à l’appui. La parole est désormais donnée aux historiens. En plus du contentieux lié à la restitution à l’Algérie des archives, les essais nucléaires dans le Sahara algérien, dont les retombées radioactives continuent de causer jusqu’à aujourd’hui un grave problème, d’ordre sanitaire et environnemental, constituent un dossier prioritaire. Aujourd’hui, une grande quantité de déchets radioactifs se trouve enfouie au Sud algérien, notamment à Reggane, où les effets des radiations font toujours des victimes. Au niveau du point zéro de la première explosion, la radioactivité reste extrêmement élevée. Aujourd’hui, l’identification des sites d’enfouissement des déchets radioactifs et celle de leur degré de contamination restent posées. « La partie française n’a mené techniquement aucune initiative en vue de dépolluer les sites, et la France n’a fait aucun acte humanitaire en vue de dédommager les victimes », avait déploré Tayeb Zitouni, lorsqu’il occupait le poste de ministre des Moudjahidine. Quoi qu’il en soit, les historiens des deux pays sont tenus à adopter une attitude d’académiciens, en scrutant profondément tous les sujets, du début de la colonisation à la proclamation de l’indépendance de l’Algérie.
Mohamed M.
Partager :