« Le journalisme n’est pas un crime ». Ce slogan qui a ponctué bien des manifestations de colère des journalistes face aux velléités de bâillonnement, au point de devenir leur mantra, serait-il en passe de devenir bientôt une réalité tangible dans les prochains jours en Algérie ? En tous cas, la question mérite d’être posée, à la lumière de ce qui s’est passé hier mardi au siège du Conseil de la nation, dont les travées ont été le théâtre d’une petite révolution, suite au vote de la nouvelle loi organique relative à l’information, portée par Mohamed Laagab, ministre de la Communication et précédemment professeur à l’institut de journalisme. Pourquoi « petite révolution » ? Parce que le texte plébiscité hier par les sénateurs se distingue par une disposition phare, qui ne manquera pas de cristalliser l’attention des professionnels de l’information et de l’opinion publique, de façon plus générale. Il s’agit en l’occurrence de l’abrogation du délit de presse, une disposition rétablie dans la foulée du Hirak et en vertu de laquelle de nombreux journalistes se sont retrouvés, ces derniers mois, dans les tribunaux, écopant de lourdes condamnations et passant par la case prison. Certains y demeurent toujours, comme Ihsane El Kadi. C’est donc une nouvelle page qui s’ouvre dans le secteur de la presse, où la peine privative de liberté pour le journaliste sera abolie. Il incombe désormais à d’autres instances, comme le Conseil d’éthique et de déontologie, l’Autorité de régulation de la presse papier et l’autorité de l’audiovisuelle qui auront à sanctionner les « délits de presse ». Exit donc la justice, qui a beaucoup d’autres chats à fouetter. Après l’adoption de ce texte, qui clôt une sombre parenthèse liberticide, le ministre de la Communication est le premier à se féliciter du vote de la nouvelle loi, la qualifiant d’excellente « sans exagération, c’est la meilleure loi dans l’histoire de l’Algérie indépendante en rapport avec le secteur du journalisme ». Tout en félicitant la presse algérienne « pour cet acquis important », Laagab a annoncé dans la foulée que les décrets d’application sont déjà prêts et que le Secrétariat général du Gouvernement les traduira dans les faits juste après la publication du texte voté dans le Journal officiel. Une information qui laisse supposer un déblocage de plusieurs projets médiatiques en attente de feu vert, tant dans la presse papier que celle électronique et audiovisuelle. Reste à savoir si les journalistes encore en prison bénéficieront des vertus de cette nouvelle loi qui met fin au délit de presse. C’est en tous cas souhaitable, pour un rapport apaisé et assaini entre la presse et les pouvoirs publics. Si la nouvelle loi, votée hier par les sénateurs, est regardée à l’aune de la dépénalisation du délit de presse, d’autres dispositions qu’elle contient ne sont pas moins importantes, par exemple l’instauration du régime déclaratoire pour la création de supports médiatiques. Ce qui aura pour effet de mettre fin à l’arbitraire discriminatoire et bureaucratique de l’administration. Dans le même ordre d’idée, il y a lieu de noter la possibilité pour les partis politiques et les organisations syndicales d’avoir leurs propres publications, ce qui est en soi un gage de pluralisme et d’ouverture politiques. Pour une « petite révolution » dans le secteur de la presse, c’en est une. Reste à voir si les textes promulgués seront accompagnés d’actes dans les prochains jours. Il n’y a pas de raison de douter de l’existence de la volonté politique du président Tebboune. Mais la vigilance reste de mise, par principe.
H.Khellifi
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