Le Centre international des conférences vient d’abriter un évènement inédit. Une session extraordinaire du parlement, conformément au décret présidentiel portant convocation de cette institution avec ses deux chambres. Appelé à devenir une tradition républicaine, ce rendez-vous politique de premier plan a offert au chef de l’État un cadre solennel pour prononcer un discours à la nation, qui constituera désormais un repère et une référence pour les années à venir. Dans d’autres pays où les règles démocratiques sont centenaires, cet évènement est entré dans les mœurs institutionnelles. En Algérie, il vient d’être institué, dans le sillage de l’Algérie nouvelle. Une Algérie qui a traversé des épreuves ayant gravement hypothéqué sa stabilité et par conséquent son avenir. Il y a d’abord eu ce qui est communément appelé la décennie noire et son cortège de destructions et de manifestations génocidaires. Une période que certaines puissances occidentales ont tenté d’exploiter à leur profit, en brandissant un certain « droit » à l’ingérence. Ensuite, il y eut deux décennies marquées d’abord par l’omniprésence d’un Bouteflika nourrissant la prétention d’incarner l’Algérie à lui tout seul. D’ailleurs, il l’avait reconnu explicitement à plusieurs occasions, avant que sa santé ne l’abandonne au profit d’une « caste » anticonstitutionnelle, qui s’était emparée de nombreux leviers du pouvoir. Durant trente ans en tout et pour tout, l’Algérie est passée du risque de désintégration au règne des pouvoirs parallèles et de la corruption. Il n’y a aucun doute, l’Algérie revient de très loin. La tenue d’une session extraordinaire du parlement avec ses deux chambres marque donc incontestablement une évolution dans les mœurs politiques du pays. Le président de la République l’a instituée et il revient désormais à la classe politique d’en faire un évènement porteur de dynamisme. Souvenons-nous, durant les années où il était en possession de ses capacités physiques, Bouteflika n’a jamais mis les pieds ni au Conseil de la nation ni à l’APN. Il avait même exprimé son aversion à l’encontre de ces deux institutions, tout en n’hésitant nullement à s’ingérer dans leur fonctionnement. Qui a poussé Karim Younes à la démission et qui a imposé Amar Saâdani pour le remplacer ? Au-delà des circonstances et des causes de cette manœuvre, Amar Saâdani avait affirmé dans son discours d’investiture, prononcé le 23 juin 2004 : « Je remercie le président de la République pour la confiance qu’il a placée en moi ». Le propos était lourd de sens ! Le même Bouteflika, qui n’a pas hésité à « zapper » le parlement algérien, s’est imposé une obligation protocolaire en prononçant un discours devant l’assemblée nationale française, lors de sa visite d’État en France, le 14 juin 2000. Au vu de tout cela, n’est-il pas juste de considérer l’évènement d’hier et le discours prononcé par Abdelmadjid Tebboune comme une rupture avec des pratiques archaïques ? Celui-ci s’est engagé dans son discours devant les parlementaires « à faire du dialogue un outil de travail et de franchise ». Comme il avait raison de rappeler qu’aucun président de la République n’a prononcé un discours devant le parlement depuis le discours de Boumediene en 1977. S’adressant aux membres des deux chambres du parlement, il n’a pas manqué de leur rappeler leur mission. « En tant que représentants du peuple, vous êtes la pierre de la reconstruction institutionnelle de l’Algérie nouvelle », leur a-t-il dit, les mettant devant leurs responsabilités.
Mohamed Mebarki
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