Après une longue attente et d’innombrables tergiversations, l’opération de démolition du marché couvert du centre-ville de Sétif a été lancée en fin de semaine dernière. Ravagé par un violent incendie, lundi 29 août 2022, aux environs de 23 heures, l’espace commercial n’est que cendres quelques minutes après.
Deuxième édifice du centre-ville incendié après la salle de cinéma « Variétés » au début des années 70, le marché couvert « ancienne version » fait désormais partie du passé, au grand dam des 173 commerçants, des riverains et de tous les Sétifiens pour lesquels l’endroit est un témoin oculaire de l’histoire contemporaine de l’agglomération. Construit au début des années 1900 et rénové en 1949, le marché s’étendant sur 2.700 mètres carrés est un amas de ferrailles. L’entame de la démolition de ce patrimoine matériel n’est pas passée inaperçue. Ayant vécu une partie de leur vie en ces lieux pleins de souvenirs, des commerçants ont pleuré à chaudes larmes la perte d’une tranche de leur histoire. Présents sur les lieux, certains se sont interrogés : « Le sinistre a détruit nos vies. Il a calciné des carrières, brisé des familles. Nous avons tout perdu dans les flammes. Sans notre marché couvert, nous sommes des déracinés. On ne retrouve pas aussi facilement nos repères même si la commune de Sétif a fait un grand effort dans le recasement de la grande majorité des marchands. Pour rester près de leur clientèle, certains dont des bouchers ont préféré louer des locaux aux alentours du marché. Si la démolition est une réalité palpable, on ne connait pas en revanche la suite. Cette première partie d’un long processus sera-t-elle-longue ? A quand le début de la reconstruction ? La nouvelle maquette du marché sera-t-elle différente ? ». A l’instar des riverains, les marchands croisent les doigts. Ils craignent de ne pouvoir assister à l’inauguration du futur marché, sachant que le respect des délais de réalisation n’est plus le fort de la municipalité de Sétif, laquelle a mis plus de douze ans pour réhabiliter le vieux stade Mohamed Guessab et l’école des frères Berchi. Cette dernière est toujours fermée. Afin de connaitre la durée de la démolition, la suite relative au volet « études-suivi et réalisation » et une idée sur la future structure, on a essayé de joindre le président de l’Assemblée Populaire Communale (APC) d’Ain Fouara, en vain. Faisant leur marché quotidien en ces lieux mythiques, des Sétifiens regardant sans brancher la démolition de l’espace où ils avaient leurs habitudes sont étreints par l’émotion, ne cachant pas, eux non plus, leur scepticisme. « En une fraction de seconde, une tranche d’histoire de la ville part en fumée. Des dizaines de familles perdent leur gagne-pain. Le marché où se sont créés des amitiés et des liens forts n’est pas un simple marché de fruits et légumes. Il était un lieu de rencontres et d’échanges. On pouvait en une courte discussion faire et défaire le monde. Les familles qui avaient l’habitude de faire leurs emplettes des fêtes religieuses vont devoir prendre leur mal en patience », soulignent des Sétifiens, non sans émotion et moult réserves. « La reconstruction du marché devant obéir à certaines règles n’est pas une opération aisée. Elle nécessite un budget conséquent et une forte technicité à la fois. Seule la municipalité de Sétif va s’enliser. Ayant consommé des milliards, la réhabilitation du stade Guessab en est l’exemple parfait. Il en est de même pour le cinéma ‘’Variétés’’ se trouvant à deux pas du marché. Sans l’intervention directe de la wilaya, le chantier va péricliter pour des histoires d’ordre de service, d’avenants, de révision de prix et autres subterfuges. Une telle opération devrait être confiée à une grande entreprise nationale. Nous profitons de l’opportunité pour inviter le nouveau wali à faire un tour au cinéma ‘’Variété’’, l’autre victime de la bureaucratie », précisent nos interlocuteurs.
Kamel Beniaiche
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