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Dr. Ahmed Hamza Benahcene, pédiatre libéral à Sétif : « L’énurésie primaire nocturne isolée, un trouble traitable »

L’énurésie nocturne primaire isolée représente un trouble mictionnel qui pose de réelles préoccupations aux parents. Pour en savoir davantage, nous avons approché Dr. Ahmed Hamza Benahcene, pédiatre libéral et spécialiste en la matière. Il est aussi membre de l’ICCS (International Continence Children’s Society) et auteur d’une étude sur le profil de l’énurésie chez l’enfant à Sétif, réalisée en 2006 et dont une copie a été fournie à L’Est Républicain. Au cours de cet entretien, notre interlocuteur dissèque ce trouble, soulignant qu’une étude menée dans une université d’Alger indique qu’il est deux fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles. Le spécialiste évoque les divers aspects de la prise en charge de ce problème, mettant en avant les mesures hygiéno-diététiques ainsi que les traitements médicamenteux et les interventions par alarmes.

Qu’est-ce que l’énurésie et est-ce qu’on peut la traiter ?

« Il fait savoir faire la différence entre les troubles mictionnels chez l’enfant. Regroupant toutes les anomalies liées aux fuites urinaires, ils peuvent être attribuables à divers problèmes, résultant de plusieurs étiologies. L’Enurésie Primaire Nocturne Isolée (EPNI) est la plus fréquente parmi celles-ci. Elle se manifeste par des fuites urinaires chez les enfants de plus de cinq ans présentant des écoulements nocturnes, après avoir exclu d’autres causes potentielles. Je tiens à souligner qu’il faut faire la distinction, aussi, entre l’énurésie diurne et l’énurésie nocturne, ainsi qu’entre l’énurésie primaire et secondaire. Dans l’énurésie primaire, l’enfant n’a jamais acquis la propreté pendant une période excédant six mois. Si une mère indique que son enfant a cessé de faire pipi au lit pendant plus de six mois, cela relève de l’énurésie secondaire, souvent liée à des facteurs psychologiques. L’âge est un facteur crucial car ce trouble ne peut être diagnostiqué avant cinq ans. Il est cependant important de souligner qu’entre cinq et six ans, il est recommandé de privilégier les mesures comportementales seules, sans recourir aux médicaments.

Quelle est la prévalence de l’énurésie nocturne isolée primaire ?

C’est un trouble fréquent chez l’enfant, avec une prévalence estimée entre 10 et 15 % chez les enfants de plus de cinq ans, et d’environ 8 à 10 % chez ceux de 8 à 10 ans. Pour les enfants de 10 à 15 ans, la prévalence est de 3 à 4 %, tandis qu’elle peut persister à l’âge adulte avec une prévalence de 2 %. Le diagnostic repose principalement sur un interrogatoire approfondi, d’abord avec les parents, puis avec l’enfant lui-même. Il est crucial de confirmer que l’enfant fait pipi au lit plus de deux fois par semaine, sur une période significative, et qu’il n’a jamais cessé de mouiller son lit pendant une période de six mois ou plus. De plus, il est essentiel de vérifier l’absence d’autres anomalies. Un examen clinique approfondi est donc nécessaire pour s’assurer de l’absence de globe vésical, de toute hypertension artérielle ou de problèmes de glycémie, entre autres anomalies. Au-delà de l’aspect diagnostique, l’examen clinique revêt une importance particulière pour rassurer les parents et l’enfant quant à la normalité de la situation clinique.

L’énurésie est-elle héréditaire ?

Effectivement, des études sérieuses ont démontré l’importance de l’hérédité dans l’énurésie primaire nocturne isolée. Lorsqu’un des deux parents a été énurétique dans son enfance, le risque que son enfant le soit également est de 44 %. Si les deux parents ont été énurétiques durant leur enfance, ce taux augmente à 77 %. Il est donc essentiel de poser des questions sur l’hérédité lors de l’interrogatoire. Quant à la guérison spontanée, elle constitue une lueur d’espoir, et heureusement, environ 15 % des enfants énurétiques cessent de faire pipi au lit chaque année sans suivi des mesures hygiéno-diététiques. Cela signifie qu’entre chaque centaine d’enfants énurétiques, près de 15 arrêtent naturellement d’avoir ce trouble chaque année. Cependant, cette guérison spontanée ne devrait pas décourager les parents et les praticiens de prendre en charge les enfants restants, car leur suivi reste important pour assurer un traitement adapté.

Faut-il faire des examens complémentaires ?

Dans le cas de l’énurésie, si l’examen clinique ne révèle aucun problème, il n’est pas nécessaire de procéder à des examens complémentaires. Aucune indication biologique ni radiologique n’est recommandée. Une simple analyse chimique des urines à l’aide d’une bandelette urinaire suffit pour vérifier l’absence de nitrites, car leur présence pourrait suggérer une infection urinaire, justifiant éventuellement un examen cytobactériologique des urines (ECBU). Une fois le diagnostic d’énurésie primaire nocturne isolée établi chez un enfant de plus de cinq ans, il existe une approche visant à distinguer deux types d’EPNI. D’une part, l’énurésie à tendance polyurique, caractérisée par des émissions d’urine abondantes qui peuvent indiquer un trouble de la sécrétion de l’hormone antidiurétique (ADH), responsable de la rétention d’eau dans le corps. D’autre part, l’énurésie à capacité vésicale réduite, où l’enfant présente des fuites urinaires diurnes et une petite capacité vésicale. Pour différencier ces deux types, le médecin s’appuie sur des éléments cliniques et l’interrogatoire. Il est à noter qu’il existe une formule permettant au praticien de calculer la capacité vésicale de l’enfant.

Comment traiter l’énurésie primaire nocturne isolée ?

Le plus important, à mon avis, est de savoir qu’avant de recourir à l’administration de médicaments chez un enfant qui fait pipi au lit après l’âge de cinq ans, il convient de mettre en place des mesures comportementales, également connues sous le nom de mesures hygiéno-diététiques. Il ne faut jamais traiter avant l’âge de six ans. Les parents doivent veiller à ce que l’enfant boive suffisamment d’eau pendant la journée, réduisant ainsi la probabilité qu’il ait soif le soir. Il est recommandé à l’enfant d’éviter les aliments sucrés le soir, car ces derniers peuvent avoir un effet diurétique. Par ailleurs, l’enfant doit être encouragé à aller aux toilettes toutes les heures, surtout après 17 heures, même s’il n’éprouve pas immédiatement le besoin d’uriner, et il doit rester aux toilettes pendant une à deux minutes. Cela permet de vider régulièrement la vessie. Il faut également bannir l’utilisation des couches, car cela peut donner à l’enfant une fausse assurance. De plus, il est important de ne pas instaurer l’habitude de réveiller l’enfant la nuit pour qu’il aille aux toilettes, afin de ne pas perturber son sommeil et potentiellement affecter ses performances scolaires. Il est également recommandé de le responsabiliser en plaçant à proximité de son lit une housse de matelas, des draps de rechange et une tenue de rechange. Une autre recommandation importante pour les parents est d’encourager leur enfant à utiliser un calendrier en forme de soleil. Ce calendrier consiste à cocher chaque matin sous un nuage ou un soleil, indiquant respectivement s’il a mouillé son lit ou non. Pour le motiver, il peut être envisagé de lui offrir un cadeau s’il parvient à rester au sec pendant une période déterminée, par exemple une semaine ou dix jours. Selon les experts, l’application de ces mesures peut conduire à des résultats significatifs, avec des taux de guérison atteignant 20 à 30 % chez les patients suivis. Environ un enfant sur trois parvient à guérir. Il est à souligner que ces mesures doivent être maintenues durant au moins trois mois. Si, après cette période, elles ne produisent pas les résultats escomptés, il peut être nécessaire de recourir à des traitements médicamenteux.

Peut-on prévenir l’énurésie nocturne ?

Il n’existe aucun moyen connu de prévenir l’énurésie nocturne. Cependant, il existe de nombreux traitements médicamenteux pour l’énurésie primaire nocturne isolée. L’un de ces traitements efficaces est l’utilisation de l’ADH (hormone antidiurétique synthétique), administrée sous la forme d’un comprimé Melt qui se dissout sous la langue chaque soir. Les résultats de ce traitement sont souvent très satisfaisants, avec environ 70 % des enfants qui guérissent. Il est essentiel que ce médicament soit prescrit par un médecin et qu’un suivi régulier de l’enfant soit assuré. Les anti-cholinergiques sont une autre option de traitement, particulièrement pour les patients souffrant d’énurésie diurne. Il est important de noter qu’un traitement antérieur, les antidépresseurs tricycliques, n’est presque plus utilisé en raison des effets secondaires potentiels chez les enfants. Selon la FDA, ces médicaments devraient être prescrits de manière très temporaire et réservés aux cas les plus difficiles. Le nouveau dispositif développé, un système d’alarme avec pile placé dans la culotte de l’enfant qui urine la nuit, émet des bips sonores dès les premières gouttes d’urine pour le réveiller. (Le fonctionnement de ce dispositif repose sur une alarme sonore liée à un circuit électrique ouvert. Un capteur d’humidité, sous la forme d’une bandelette de tissu, est positionné dans le slip de l’enfant et est connecté à un boîtier. Lorsque l’enfant fait pipi au lit, les premières gouttes d’urine ferment le circuit électrique, déclenchant ainsi la sonnerie, NDLR). Bien que ce dispositif donne d’excellents résultats, il est important de noter qu’il comporte le risque de perturber le sommeil de l’enfant.

Entretien réalisé par Faouzi Senoussaoui

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