Lentement mais sûrement, les relations entre l’Algérie et la Mauritanie sont en train de prendre une dimension stratégique, dans une conjoncture favorable aux deux pays. Au-delà de la zone de libre-échange, constituant un « trait d’union » en matière d’échanges commerciaux et industriels entre l’Algérie et les pays d’Afrique de l’Ouest, et qui fait partie de zones de libre-échange prévues à Tin Zaouatine, Timiaouine, Bordj Badji Mokhtar et Debdeb, le rapprochement spectaculaire entre Alger et Nouakchott aura une portée régionale de première importance. Certes, « cette zone franche devrait apporter une plus-value et insuffler un fort élan aux échanges commerciaux entre l’Algérie et la Mauritanie, ainsi qu’avec tous les pays de la région qui enregistre un volume important en termes d’importations et d’exportations », mais c’est surtout ses retombées politiques, culturelles et sociales, qui constituer un tournant dont l’impact sur la question géopolitique est évident. Dans un article consacré à ce sujet, le site d’information tunisien « Tunisie numérique », estime que « les échanges économiques avec ce pays voisin sont une priorité absolue pour l’Algérie », mais omet d’en dire autant en ce qui concerne la Mauritanie. Le média tunisien va plus loin encore dans son analyse, en spéculant sur le fait que la Mauritanie fera l’objet d’une rivalité entre l’Algérie et le Maroc. « Tout cela promet de belles empoignades avec le frère ennemi, l’Algérie. Une compétition féroce qui in fine fera les affaires des entreprises des deux pays, car il y aura de la place pour tout le monde avec tous ces chantiers », argue le journal électronique tunisien. « Alors un pays qui aura toutes ces ressources financières sans parler du sous-sol gorgé de richesses minières qui n’ont quasiment pas été touchées, un pays de 1.030.700 km² qui manque de tout et où tout est à faire, évidemment le frère algérien ne peut pas laisser filer ça. Le chef de l’État algérien a bien raison de souligner la nécessité de doper les investissements et le commerce entre les deux nations pour profiter des innombrables opportunités », poursuit « Tunisie numérique ». Ce n’est qu’un point de vue après tout, mais qui prête à confusion, dans la mesure où la politique de l’Algérie procède d’un processus basé sur une relation équitable avec un pays souverain. Les gros gisements de gaz découverts en Mauritanie ne sont aucunement convoités par l’Algérie, qui est classée 11e en termes de réserves de gaz prouvées. Alors que la Mauritanie est classée 71e. C’est surtout le Maroc que la coopération algéro-mauritanienne dérange au premier degré, pour plusieurs raisons. Rabat sait que dans le domaine de l’exploitation des gisements de gaz, la Mauritanie pourra compter sur l’expérience algérienne et cela dérange effectivement le makhzen, qui fera tout pour entraver le rapprochement algéro-mauritanien. Les Mauritaniens n’oublieront pas que le Maroc, qui n’a jamais dissimulé ses visées territoriales sur la Mauritanie, n’avait reconnu l’indépendance de leur pays que neuf ans plus tard. Le projet du grand Maroc est toujours d’actualité au sein de la classe politique du royaume, qui n’avait pas hésité à revendiquer la « marocanité » de la Mauritanie. À Alger par contre, l’accent est mis sur « l’énorme potentiel de ce dossier, en termes de création d’emplois, de développement économique et de facteurs de dynamisation du PIB national ». « Et l’Algérie, qui s’est orientée vers une politique volontariste d’exportation hors hydrocarbures, a une belle carte à jouer », constate le média tunisien, qui rappelle que le gouvernement algérien « a pris l’engagement d’accompagner les initiatives en direction de la Mauritanie et des autres pays de la région, notamment les PME ».
Mohamed Mebarki
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