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Carence en fer « Un sérieux problème de santé publique »

L’un des Objectifs de Développement Durable (ODD) pour la décennie 2016-2030, inscrit dans le cadre des actions des Nations unies pour la nutrition (2016-2025), est l’élimination de toutes les formes de malnutrition, dont la carence en fer qui constitue 50 % des causes mondiales d’anémie. En effet, selon les spécialistes, la carence en fer, également appelée carence martiale, est la forme de malnutrition la plus répandue à l’échelle mondiale. « Le fer est, en effet, l’un des sels minéraux indispensables au corps humain, présent dans tous les types de cellules. Une carence en fer se développe lorsque les apports sont inférieurs aux besoins, ce qui finit par affecter les fonctions physiologiques et avoir des conséquences sur la santé et le bien-être », explique le Dr. Ahmed Hamza Benahcene, pédiatre libéral à Sétif. Et d’ajouter : « La principale conséquence d’une carence en fer est l’anémie, (baisse de la quantité d’hémoglobine). Cependant, il existe des carences en fer qui ne s’accompagnent pas d’anémie. En fait, la carence en fer peut être considérée comme le stade prédécesseur de l’anémie ferriprive. La carence martiale peut se manifester cliniquement par plusieurs symptômes, tels que l’anorexie ou le manque d’appétit, la fatigue et les étourdissements, l’agitation chez le nourrisson, la pâleur, la diminution de la force physique, l’essoufflement à l’effort, des infections répétées – surtout respiratoires et ORL – ainsi que des altérations des fonctions cognitives, telles que le retard de croissance, le retard de développement, les difficultés de concentration et d’apprentissage, etc. ». « Pour diagnostiquer une carence en fer, un seul paramètre est nécessaire, à savoir la ferritinémie, qui renseigne sur les réserves en fer dans l’organisme. Une fois la carence confirmée par les bilans, il s’agit bel et bien d’un problème de santé publique qui doit être traité selon un protocole bien défini, pouvant durer plusieurs mois. En effet, il s’agit de la carence nutritionnelle la plus répandue au monde, bien plus courante que le marasme, le kwashiorkor, voire même que la carence calcique et d’autres carences connues », explique le Dr Benahcene. Avec des chiffres à l’appui, il précise que dans le monde, environ 800 millions à 1 milliard de personnes souffrent d’une carence en fer, ce qui représente 15 à 20% de la population mondiale. « Selon l’OMS, 43% des enfants de moins de 5 ans souffrent d’anémie. Dans la moitié des cas, la carence en fer en est la cause. Une compilation de données des enquêtes démographiques de santé (EDS) menées dans 11 pays d’Afrique francophone révèle que 72% des enfants âgés de 6 mois à 5 ans sont atteints d’anémie, ce qui est alarmant. Selon une étude américaine publiée dans le JAMA (Journal of the American Medical Association) en 1997, 13% des enfants âgés de 12 mois sont considérés en carence en fer. De plus, un article paru en 2004 dans le corpus médical de la faculté de Grenoble mentionnait qu’une étude menée en région parisienne en 1989 avait révélé une carence martiale chez près de 30% des enfants métropolitains à l’âge de 10 mois, et près de 50% des enfants d’origine nord-africaine », dira notre interlocuteur.

Supplémentation en fer chez les femmes enceintes

Selon les spécialistes, la carence en fer, également appelée carence martiale, est principalement attribuable à un déficit d’apport en fer, en particulier dans les régions où la malnutrition est répandue, notamment dans les pays à faible revenu. Elle peut également résulter d’une insuffisance ou d’une mauvaise supplémentation en fer chez les femmes enceintes pendant la grossesse. Ces dernières doivent en effet prendre des suppléments de fer, une grande partie de celui-ci étant transférée au fœtus, en particulier pendant le dernier trimestre de la grossesse. Il est crucial de noter que le nouveau-né naît avec un capital ferrique d’environ 250 à 300 mg, dont les deux tiers proviennent de la mère au cours du dernier trimestre de la grossesse. Cela met en lumière l’importance de la supplémentation en fer chez les femmes enceintes. Le Dr Benahcene souligne également qu’il ne faut pas négliger d’autres facteurs pouvant contribuer à cette carence. « On peut mentionner parmi les autres causes de la carence en fer les saignements, les hémorragies, les prélèvements sanguins fréquents chez les nourrissons et la naissance prématurée. Il est également important d’éviter un clampage précoce du cordon ombilical lors de l’accouchement, car cela priverait le nouveau-né d’une quantité importante de sang et donc de fer. De plus, le lait de vache est très pauvre en fer et donc peu adapté aux besoins du nourrisson, dont les besoins en fer sont souvent élevés après l’âge de 12 mois », dira-t-il. Et d’insister : « Il est crucial de promouvoir l’allaitement maternel car le fer présent dans le lait maternel est mieux absorbé par l’organisme, offrant ainsi une meilleure diffusion dans les tissus, sans oublier ses nombreux autres bienfaits. Bien qu’il soit regrettable qu’un enfant ne soit pas allaité au sein, les nourrissons doivent recevoir des laits adaptés à leur âge et à leurs besoins, tels que le lait infantile, le lait de suite (après l’âge de 6 mois) et le lait de croissance (après l’âge de 12 mois). Une étude récente, menée en 2019 dans plusieurs pays d’Afrique, connue sous le nom d’Étude agile, a révélé qu’en Algérie, plus de 50 % des mères estiment que le lait ordinaire répond aux besoins nutritionnels de leur bébé entre 6 et 12 mois. Concernant l’alimentation pour prévenir la carence en fer, il est essentiel de débuter entre 4 et 6 mois (selon l’OMS) ou 4 mois (selon de nombreuses sociétés savantes). Cette alimentation doit être introduite progressivement, bien conduite et contenir des aliments riches en fer pour prévenir la carence martiale et l’anémie ferriprive. Les aliments riches en fer sont nombreux, mais il est important de noter qu’ils se divisent en deux catégories : les aliments riches en fer héminique (d’origine animale) et les aliments riches en fer non héminique (d’origine végétale). Parmi les premiers, qui sont plus bénéfiques pour le nourrisson, on trouve les abats comme le foie de poulet, d’agneau et même de veau, ainsi que le poisson blanc et la viande rouge. Parmi les seconds, on peut citer les légumineuses (lentilles, pois, haricots, etc.), le riz, les pâtes, la semoule, la farine de blé et d’autres produits céréaliers (notamment les laits enrichis en farines complètes ou en fer) ».

Faouzi Senoussaoui

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