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Accidents de la circulation à Sétif : Une saison estivale meurtrière

Les campagnes de sensibilisation et les mesures coercitives lancées par les pouvoirs publics, pourtant soutenues par une législation rigoureuse, n’ont pas réussi à freiner l’ampleur des dégâts humains et matériels causés par les accidents de la circulation. Ce problème, qui prend des allures de fléau, laisse derrière lui des milliers de familles endeuillées. La saison estivale 2024, habituellement synonyme de voyages et de détente, s’est avérée dramatique dans les Hauts plateaux sétifiens, où emprunter la route est devenu un véritable défi. Le bilan dressé par la direction de la Protection civile est alarmant. De juin à août, 835 accidents ont été enregistrés, faisant 24 morts et 1.138 blessés. Bien que ces chiffres soient en légère baisse par rapport à 2023, où 863 accidents avaient causé 22 décès et 964 blessés, la situation reste dramatique. Le mois d’août a été particulièrement meurtrier, avec 269 accidents, soit une moyenne de huit à neuf accidents par jour. Onze personnes ont perdu la vie, tandis que 371 autres ont été blessées, dont certaines grièvement. Les jeunes conducteurs, notamment ceux détenteurs de permis récents, ainsi que les usagers de deux-roues, sont les plus souvent impliqués dans ces tragédies. L’inattention, l’excès de vitesse et l’imprudence des piétons, ignorant fréquemment les feux tricolores, sont les principales causes d’accidents.

« Circuit de Formule 1 »

Pour mieux comprendre cette problématique complexe, L’Est Républicain est allé à la rencontre de plusieurs conducteurs réguliers de l’axe Sétif-Alger. Nous rencontrons nos interlocuteurs à la gare routière de Sétif, qui n’en a que le nom. Parlant pour la première fois d’un tel sujet, les chauffeurs de taxi parlent sans filtre. Ayant gros sur le cœur, les professionnels de la route ne se contentent pas uniquement de critiques. « L’état des routes et de l’autoroute Est-ouest, éventrée dans plusieurs endroits, ainsi que les embouteillages permanents, influent sur le comportement des chauffeurs. Les problèmes rencontrés à El-Djabahia (Bouira) nécessitent une étude approfondie. Il est urgent d’accélérer la mise en place des péages, un moyen efficace pour freiner l’ardeur de certains chauffeurs, notamment les jeunes qui voient l’autoroute comme un circuit de Formule 1. Une telle structure devrait financer l’entretien l’autoroute Sétif – Alger, nécessitant des travaux », déclare Abdelghani, passant dit-il plus du temps sur la route qu’en famille. Et d’enchaîner : « La formation diffère d’une wilaya à une autre. La preuve, des conducteurs ne disposant pas d’une formation solide écument l’autoroute. Inconsciemment, ils mettent leur vie et celles des autres en danger. Des vieux tacots de plus de trente ans continuent de circuler librement. De véritables bombes à retardement, ces engins n’ont rien à faire dans une route à grande vitesse. Il faut les réformer, les envoyer à la casse ». Amar, un autre conducteur, pointe du doigt les poids lourds : « Ils se considèrent comme des maîtres et ne respectent pas le code de la route. Pour éviter un nid-de-poule, un camion s’approprie la gauche de la chaussée comme si de rien n’était. Pour limiter les accidents et la surcharge de la route, il serait judicieux de restreindre leur circulation aux heures de nuit, entre 21h et 07 heures, surtout en période estivale où la chaleur met à rude épreuve les camions ».

Il faut inverser la tendance

Madjid, qui a renoncé aux longs trajets pour se concentrer sur la circulation en ville, évoque la problématique des motocyclistes : « Nombreux sont ceux qui conduisent sans casque et grillent les feux tricolores avec une facilité déconcertante. Ce sont eux qui causent bon nombre d’accidents mortels. Il est impératif d’appliquer le code de la route dans toute sa rigueur pour mettre fin à cette hécatombe. L’agressivité des motocyclistes en rajoute non seulement une couche mais met à rude épreuve les nerfs des autres usagers ». Abdallah, un vieux routier, va plus loin. Il propose d’instaurer des contrôles médicaux réguliers pour les chauffeurs de taxi, de bus et de poids lourds. « Les conducteurs de plus de 65 ans et ceux qui parcourent de longues distances quotidiennement devraient passer des examens de vue réguliers. Deux passages par an chez l’ophtalmologue s’imposent. D’autant que nombre de chauffeurs ont du mal à conduire la nuit. En outre, l’introduction de tests d’alcoolémie et de dépistage de drogues est primordiale car certains chauffeurs spécialisés des grands trajets -mille kilomètres et plus- consomment pour tenir le coup. Sans ces mesures, l’augmentation des amendes et la suspension des permis ne suffiront pas à endiguer le fléau ».

Kamel Beniaiche

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