Finie la présidentielle, voici venu le temps de régler les comptes. Au Mouvement de la Société pour la paix (MSP), les couteaux commencent à sortir, avec au centre du jeu l’orientation du parti islamiste. Depuis des années, l’ancien président du MSP, Abderrazak Mokri, attendait l’élection présidentielle pour tenter sa chance. Des mois durant, il a préparé sa campagne électorale et n’a jamais caché ses intentions : « Je suis prêt et je suis capable d’être président de la République », avait-il dit, dans une vidéo diffusée en 2023. Jusqu’au dernier moment, il n’avait probablement pas douté que son successeur, Abdelaali Hassani-Chérif, soit embusqué. Puis, au mois de mai, le Conseil consultatif du parti a rendu son verdict : seul le président du parti était autorisé à se présenter à l’élection présidentielle. Mokri a ensuite été carrément écarté de la campagne électorale, lui qui dispose pourtant d’une base militante importante et des réseaux, en Algérie et dans le monde, étant notamment secrétaire général du forum de Kuala Lumpur, qui regroupe l’essentiel des partis islamistes du monde entier. Dans une lettre adressée au mois d’août au Conseil consultatif de son parti, Abderrazak Mokri a révélé l’existence d’un conflit sérieux au sein du MSP. Plus que sur les raisons de sa mise à l’écart dans la candidature à l’élection présidentielle, c’est sur la ligne politique que doit suivre désormais le parti fondé par Mahfoud Nahnah en 1991 que se situe la guéguerre. Le message de Mokri révèle en effet que Hassani-Chérif, issu de la même wilaya de M’Sila, va sans doute faire revenir le parti à l’ère d’Aboudjerra Soltani. Autrement dit, le MSP ne sera plus un parti de l’opposition, mais intégrera le gouvernement, dans le cadre d’une large coalition gouvernementale. « Vous êtes revenus à ma politique », aurait déclaré Soltani, lors d’une récente session du Conseil consultatif, révèle Mokri. Pis, ce dernier rapporte que la nouvelle direction du parti ne l’a jamais consulté ou eu recours à lui pour le faire participer à des décisions importantes, comme lui le faisait avec les anciens dirigeants, lorsqu’il était à la tête de la formation politique. Si pour l’heure, il ne lance pas d’ultimatum et n’appelle pas à la rébellion contre l’actuelle direction, il prend acte et il n’est pas le seul. L’homme garde toujours de bons réseaux à l’intérieur, même si lui-même avance qu’il se déploie désormais dans des activités internationales. Ce n’est pas la première fois que le MSP connaît une grave crise interne. La décision de l’ancien président (2003-2013) de participer à tous les gouvernements de l’ère Bouteflika, même s’il était réduit à occuper des strapontins et les critiques internes émanant de l’aile dure, que représentait à l’époque Mokri, n’avaient pas réussi à renverser la donne. Il a fallu attendre le congrès de 2013 pour voir arriver à la tête du parti les « radicaux » du MSP. Entre-temps, plusieurs cadres ont quitté le navire pour créer leurs propres partis (Amar Ghoul, Abdelkader Bengrina, etc.) Une nouvelle fracture est-elle inévitable ?
Akli Ouali.
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