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Essais nucléaires dans le Sahara algérien : La France refuse d’assumer ses responsabilités

Le tribunal administratif de Strasbourg, dans l’Est de la France, a rejeté hier vendredi, pour prescription, les demandes d’indemnisation des proches de personnes décédées des suites des essais nucléaires, menés par la France dans le Sahara algérien et en Polynésie, entre 1960 et 1998, rapporte une dépêche de l’AFP. L’agence de presse française précise que trois veuves et leurs enfants réclamaient la reconnaissance de leurs préjudices propres, après la perte d’un conjoint décédé d’un cancer à la suite de l’exposition aux rayonnements ionisants. Dans son jugement, le tribunal de Strasbourg a estimé que le dispositif spécifique de la loi de janvier 2010 n’intègre pas les proches des victimes et que les règles du droit commun de la responsabilité doivent dès lors s’appliquer à leur demande, notamment la prescription au bout de quatre ans. Il est à rappeler que cette loi permet la reconnaissance et l’indemnisation des victimes directes de ces essais nucléaires, mais ne prévoit aucun dispositif pour leurs proches, au titre de leur préjudice moral, familial ou matériel. Si ces familles avaient déjà obtenu, en tant qu’ayants droit et après avoir dû porter l’affaire en justice, une indemnisation accordée à leurs proches décédés, elles n’ont jamais obtenu d’indemnisation pour leur préjudice propre, souligne la même source. Le tribunal de Strasbourg a fait remonter le point de départ de la prescription au moment du dépôt de la première demande d’indemnisation en tant qu’ayants droit. La décision du tribunal a été jugée incompréhensible par les familles plaignantes. Pour leur avocate, « le point de départ de la prescription, c’est le moment où ces familles avaient finalement obtenu l’offre d’indemnisation en tant qu’ayants droit, et donc la reconnaissance pour leur proche d’un statut de victime des rayonnements ». Le tribunal a-t-il voulu dédouaner l’État français ? L’avocate s’est refusé d’aller jusqu’à cette conclusion, en admettant que la juridiction citée ait estimé que la procédure avait été initiée trop tardivement. « Le combat ne fait que commencer. Il y a une discussion sur le point de départ de la prescription que nous porterons en appel. Le ministère des Armées ne pourra pas toujours se retrancher derrière des questions de recevabilité pour se dédouaner de sa responsabilité », a assuré l’avocate. Pour rappel, il y’a environ 64 ans, avait eu lieu la première explosion nucléaire française dans le désert de Reggane en Algérie. Un document de l’armée française, déclassifié en 2013, avait révélé que les retombées radioactives ont été beaucoup plus importantes, contrairement aux déclarations faites par des responsables français quelques heures après l’expérience, qui affirmaient que « la radioactivité au sol était très inférieure aux normes de sécurité admises ». Aujourd’hui, une grande quantité de déchets radioactifs se trouve enfouie au Sud algérien, notamment à Reggane, où les effets des radiations continuent de faire des victimes. Sabri Boukadoum avait déclaré, au moment où il occupait le poste de ministre des Affaires étrangères, que les 17 essais nucléaires effectués par la France dans le Sahara algérien équivalaient trois à quatre fois la bombe atomique d’Hiroshima. Au niveau du point zéro de la première explosion, la radioactivité reste extrêmement élevée. Aujourd’hui, la question de l’identification et de la contamination des sites d’enfouissement des déchets radioactifs reste posée. « La partie française n’a mené techniquement aucune initiative en vue de dépolluer les sites, et la France n’a fait aucun acte humanitaire en vue de dédommager les victimes », avait déploré Tayeb Zitouni lorsqu’il occupait le poste de ministre des Moudjahidine.

M. M.

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